En ce 6 mars 2025, Le Projet Imagine a 15 ans !
Paris, 6 mars 2025
Édito de Frédérique Bedos
« En ce 6 mars 2025, Le Projet Imagine a 15 ans !
Née en 2010, cette ONG a grandi aux côtés des générations Z et Alpha. Ces dernières sont confrontées à des défis immenses, existentiels, et cela génère des inquiétudes, des angoisses, des peurs de moins en moins supportables pour ces jeunes en construction…
Dès 2008, deux constats m’ont littéralement prise aux tripes. D’une part, l’influence grandissante des médias dans notre quotidien et son flot d’informations traité quasi exclusivement de manière anxiogène, et de l’autre, l’angoisse croissante qui hante les citoyens et, en premier lieu, la jeunesse. Le lien logique m’a sauté aux yeux et, en moi, a alors germé l’idée de fonder une ONG d’information.
Comment s’attendre à ce qu’un enfant puisse apprendre sereinement à l’école s’il se sent tourmenté ? Comment penser qu’il puisse se projeter vers son futur avec enthousiasme alors qu’il se sent submergé par des problèmes qui le dépassent et face auxquels il se sent totalement impuissant ?
Si l’on ne s’empare pas de cette question dès aujourd’hui, ce sont les adultes de demain et la société qu’ils formeront qui sont en péril.
Juste un exemple. En 2018, sous l’impulsion d’une jeune Suédoise, à peine âgée de 15 ans, Greta Thunberg, un vaste mouvement d’engagement est né : « Fridays for Future ». En très peu de temps, il a mobilisé des millions de jeunes, partout dans le monde. Leur but : interpeller les adultes sur leur inaction climatique.
Cette jeunesse s’était alors non seulement levée, mais elle avait réussi à s’organiser afin de mettre à l’agenda du débat public, le sujet qui lui tenait le plus à cœur.
Malgré ce succès, la réponse des adultes vis-à-vis de cette action collective n’a pas été exempte de mépris et de commentaires dédaigneux.
Si la crise Covid 19 a précipité la fin de ce mouvement, elle a également accentué la pression concernant l’urgence à reprendre en main notre destin écologique et climatique. Là encore, cela n’a pas échappé à la jeunesse qui s’est mise à rêver du « Monde d’après ». Quelle désillusion ! Sans parler des pathologies survenues à la suite des confinements successifs. La santé mentale des jeunes en a été très éprouvée et cela de manière durable.
Il faut dire que la cause écologique est loin d’être la seule à préoccuper les jeunes. Je pourrai mentionner un à un les sujets qui font partie du millefeuille de difficultés auquel sont confrontés les citoyens en général et la jeunesse en particulier, en commençant par le terrorisme qui, avec l’assassinat des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, est à la grille de nos écoles.
Mais à quoi bon en faire l’inventaire…
Allons droit au but et parlons d’aujourd’hui ! Car, je dois bien l’admettre, le timing m’interpelle.
Parce que les outrances médiatiques, les dérapages informationnels et leur conséquence, à savoir la propagation rapide de la Peur et de la colère dans le corps social, ont été très longtemps des angles morts, nous avons dû déployer, mon équipe et moi, des efforts énormes, pendant des années, afin d’expliquer ce qu’est Le Projet Imagine et son but :
redonner confiance (en soi, en l’autre, en l’avenir) et ainsi favoriser l’émergence d’une culture de l’engagement, de la solidarité et de la paix.
Alors que la mission menée par notre ONG semble enfin être comprise et partagée, voici que resurgit de manière spectaculaire le spectre de l’obscurantisme. Quant à la dégradation de la parole politique, elle me semble à son apogée dans la manière tonitruante, de part et d’autre de l’Atlantique, d’agiter le spectre d’une 3e Guerre Mondiale !
Ces adultes qui se vantent si aisément d’être rationnels, osent piétiner les leçons de l’histoire, le droit International et les valeurs démocratiques pour remettre sur la table la violence brute.
Je ne peux m’empêcher de voir dans ces évolutions la preuve même de la schizophrénie de nos sociétés. Chacun y loue les valeurs de bienveillance et de paix, tout en laissant prospérer des systèmes agencés de telle façon qu’ils favorisent la conflictualité, à commencer par l’école de la rivalité ou encore l’économie de la compétition.
Dorénavant, il ne fait quasiment aucun doute que l’essentiel des ressources qui devraient en priorité être mobilisées en faveur du Bien Commun, en particulier l’éducation et la transition écologique, vont être réorientées vers l’achat de matériel militaire.
Impérialisme, économie de guerre et rapports de force… Voici donc la réponse que les adultes envoient à la figure de cette jeunesse déjà tellement secouée !
Face à cette folie, je pense à nos « Héros Imagine ». Vous le savez, l’adjectif qui les définit sans doute le mieux est : HUMBLES.
Rappelons-nous que l’étymologie du mot humilité nous ramène à la terre, l’humus. Ainsi, ces femmes et ces hommes qui se laissent guider par la vérité de leurs cœurs ne perdent jamais pieds et restent bien ancrés dans le réel.
La jeunesse nous regarde, et le temps viendra où elle nous jugera.
Alors oui, vous l’avez compris, en ce jour anniversaire, je n’ai pas le cœur à la fête.
Pourtant, l’Espérance est toujours là, tout au fond de moi, bien vivace.
Cette histoire, celle qui consiste à croire que tout reste possible, qu’humaniser le monde reste à notre portée, je crois bien que je ne me lasserai jamais de de la raconter…
Il faut dire que durant ces 15 ans, mon équipe et moi n’avons cessé d’être épatées par nos Héros bien sûr, mais également par les élèves et les enseignants qui nous ont fait confiance en embarquant dans l’aventure de nos programmes éducatifs.
Comment ne pas se réjouir en découvrant ces mots émanant d’une petite fille qui a suivi notre « Programme École Imagine » en école élémentaire sur Lille : « On s’est rendu-compte que tout le monde avait de la chaleur humaine dans nous ; du coup, on a appris des choses sur l’autre qu’on ne savait même pas qu’il pensait ça ! ».
Et que dire de ces collégiens qui, à la fin du « Programme éco-délégués », s’exclament : « À plusieurs c’est vraiment mieux ! Il y avait toutes ces têtes pour réfléchir et s’entraider. Chacun avait son rôle et ça a été coopératif de tous les côtés. Comme le colibri, on a fait notre part. »
Quant aux enseignants, leurs retours sont également édifiants. À l’image de cette parole décrivant la dynamique Imagine mise en place dans une classe de collégiens : « Dans la phase action, c’était exceptionnel. Ils ne vivaient plus que pour ça ! Parce qu’ils avaient le pouvoir de créer et qu’on fasse quelque chose avec leur parole et leurs émotions. Ça nous prouve qu’il faut accepter d’ouvrir nos pratiques. C’est ça aussi l’Éducation Morale et Civique : l’ouverture sur l’extérieur, sur leur société et sur le travail d’équipe. ».
Et j’avoue que lorsque nous avons découvert les projets mis en place par les élèves d’un bidonville du Bangladesh ayant suivi nos ateliers, nous avons failli fondre en larmes tellement nous étions impressionnées ! Ces enfants, âgés de 8 à 12 ans, qui vivent dans le dénuement le plus total, se sont emparés de sujets aussi sérieux que l’assainissement de leur lieu de vie, la préservation de l’eau potable et le mariage forcé des petites filles.
Ce sont là quelques exemples qui nourrissent notre espoir qu’un jour un monde de douceur et d’harmonie puisse advenir.
- En nous désaltérant à cette source d’inspiration poétique, nous extirpons de nos cœurs tout esprit de domination, d’exploitation, de prédation et d’oppression. C’est à ces racines vénéneuses que nous devons cette Culture de la Guerre dans laquelle nous ne cessons de retomber.
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